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Avec les guérilleros Kurdes dans le Nord de l’Irak

vendredi 14 mars 2008, par Maison Populaire de Genève

Washington Post Josh Partlow de The Washington Post. Assisté du photographe Andrea Bruce et du correspondant Dlovan Brwari. Reportage dans la vallée de Zap en Irak en Février dernier.Le jour où les soldats turcs se repliaient d’Irak, 40 guérilléros kurdes se préparaient pour inhumer 5 de leurs morts

Les corps étaient enveloppés dans du plastique noir et de la bâche de camouflage, arrimés à des brancards fabriqués à partir de branches et drapés dans le drapeau du Parti des Travailleurs du Kurdistan ou PKK. En silence, les guérilléros empilent des grosses pierres en cinq piles et déposent les brancards l’un après l’autre sur les piles. Ils s’alignent sur deux rangées en présentant les armes face aux montagnes qui les entourent et attendent que leur chef prenne la parole.

"L’armée turque n’a pas réussi à s’emparer de notre territoire, ils n’ont pas pu s’emparer d’une de nos bases, de nos armes, ou même d’un morceau de nylon," déclare Bahoz Erdal, 39 ans et commandant militaire de la guérilla kurde, face aux rangs serrés de ses troupes. "L’armée turque n’a eu aucune occasion de repos. Quand ils attaquaient, nous les avons frappé. Quand ils faisaient halte, nous les avons frappé. Même quand ils se sont replié vers l’arrière, nous les avons frappé."

Le bilan de la bataille de huit jours, terminée vendredi dernier, le long de la frontière nord de l’Irak a été décrit par le gouvernement de Turquie comme se terminant à la date prévue et étant une incursion réussie qui a paralysé ses ennemis, détruit des centaines de leurs grottes et de leurs cachettes. Mais en fin de compte la bataille s’est terminée là où elle avait commencé, avec la guérilla insaisissable et ayant toujours le contrôle exclusif des centaines de kilomètres de terrain montagneux.

Lors des obsèques, le calme terminait leur dernière guerre, certains guérilleros ont incliné leur tête mais aucun n’a versé de larmes.

« Dans les 10 derniers jours à Zap, nos combattants ont affiché leur historique héroïsme », dit Erdal à ses soldats. "Dans cette défense, vous avez ranimé de nouveau l’esprit de combat du PKK."

Un correspondant du Washington Post et un photographe qui ont passé cinq jours dans le territoire rebelle pendant et après la bataille - la seule équipe de reporters autorisée à accompagner la guérilla au cours de cette période - ont observé une société autonome, avec ses propres lois et traditions, et qui ne ressemble pas au reste de l’Iraq. L’accès était cependant limité personnes et aux lieux choisis par la guérilla, et il était difficile de vérifier les détails de la bataille en raison des grandes distances entre les différentes zones.

Ce qui était clair c’est que des années dans ces montagnes couronnées de neige ont forgé les combattants à l’image de rudes ascètes. Bien qu’ils soient eux-mêmes basés dans le nord de l’Irak, ils sont déployés aussi ailleurs, choisissant même de vivre un temps en zone turque et un temps en Irak. Ils sont basés au coeur du Moyen-Orient islamique, mais sont largement indifférents à la religion ou à la culture qu’ils ont laissées en Turquie, Syrie, Iran et Iraq. Ils comparent leur lutte à celles des révolutionnaires américains qui ont combattu la couronne britannique, et à la guérilla cubaine qui a suivi Fidel Castro en descendant des montagnes de la Sierra Maestra.

"Nous nous battons pour la démocratie, pour la liberté", déclare Osman Delbrine, un combattant de la guérilla de 32 ans dont huit ans dans les montagnes. "Nous nous battons pour la paix et pour tous les Kurdes de toutes nations."

Leur tactique peut être impitoyable. Ils se tapissent à la frontière pour frapper des soldats turcs et se replient en Iraq. Il est plus rare pour eux d’être sur la défensive, de protéger leur territoire attaqué par les Turcs. Le PKK, avec 4000 à 5000 combattants selon le Département d’Etat américain, représente une menace moins forte qu’auparavant pour le gouvernement turc. Mais le mouvement bénéficie d’une résurgence du sentiment nationaliste parmi les 25 millions de Kurdes dispersés dans toute la région.

Les dirigeants du PKK disent qu’ils ne combattent plus pour un Etat kurde indépendant, ou encore pour reproduire ou étendre la région semi autonome kurde d’Irak. Au contraire, ils disent qu’ils veulent que leur peuple parle kurde dans les écoles, qu’il reçoive la carte nationale d’identité, avoir des droits égaux pour les femmes, éviter la persécution des forces de sécurité, faire respecter leur influence politique, où qu’ils vivent. À marcher parmi la guérilla, toutefois, on ressent que certains combattent également pour perpétuer leur communauté, leur expérience socialiste et rester seuls.

"Dans la société, dans les villes, je me sens comme quelqu’un qui s’étouffe ", déclare Berivan, une femme de guérilla de 27 ans. "Dans la montagne, je me sens libre."

Les guérilléros ne reçoivent pas de salaire. Ils cousent leurs uniformes de laine couleur vert olive et soignent leurs blessés. Ils n’ont pas de foyer et vivent en itinérance, marchant sur des sentiers de chèvre, dans le lit des ruisseaux à sec, à travers les champs et les rochers moussus, et à travers les éboulis. Les petits villages qui parsèment ce territoire sont désormais abandonnés, la seule route pavée est déserte. Les guérilléros dorment dans des grottes enroulés dans leur couverture ou sous les étoiles, ils boivent l’eau des sources et mangent ce qu’ils peuvent introduire et se procurer de la civilisation.

Bien que le PKK accueille les visiteurs, le Gouvernement régional du Kurdistan au nord de l’Iraq a essayé de barrer la route aux étrangers, en particulier les journalistes, les empêchant de pénétrer dans la zone où les autorités tolèrent effectivement la guérilla. Après avoir reçu une invitation à visiter la région, les journalistes du Post ont marché pendant huit heures, d’abord sur un chemin rocailleux de transhumance s’élevant vers le haut d’une montagne surplombant les villes kurdes plus au sud, puis sur une pente abrupte qu’un guide local a désigné comme pleine de mines. Sur le chemin, il a fallut traverser un pont d’acier endommagé par les bombes turques et s’accroupir sous des rochers lorsque des avions de guerre survolaient l’endroit. Les montagnes résonnaient de pétarades de coups de feu et d’explosions de bombes dans les lointains. À la tombée du jour, le premier guérilléro - portant camouflage et un fusil Kalachnikov - apparut de derrière un arbre dans un ravin rocailleux. D’autres sont très vite apparus, et l’un d’eux a levé sa main.

"Bienvenue à notre montagne", a-t-il dit en anglais.

L’invasion militaire turque, baptisée Opération Soleil, a débuté le 21 Février avec un bombardement aérien, suivi d’une avancée de 2000 hommes de troupes au sol à divers endroit le long des 200 milles de frontière que la Turquie partage avec l’Irak.

Le gros des combats ont concerné la vallée de Zap, une région cruciale dans la partie ouest du territoire de la guérilla, là où se trouvent leur quartier général, des camps d’entraînement, des salles de stockage souterrain, des champs et des combattants manoeuvrant leur mitrailleuse antiaériennes Dushka de fabrication russe en position sur les sommets enneigés. Erdal, le commandant de la guérilla parlant vite, a abandonné ses études de l’école de médecine à Damas, en Syrie, il y a deux décennies, pour rejoindre le PKK. Depuis, il se consacre à la lutte contre la Turquie.

« Ce n’est pas au hasard qu’ils attaquent ce secteur », a-t-il dit. « Les troupes employées sont suffisantes pour s’emparer d’une zone comme Zap. Mais lorsque vous utilisez une très grande armée, il est difficile e l’organiser et vos mouvements seront ralentis. »

En fin de compte, dit Erdal, ses guérilléros ont poussé la Turquie à redescendre de la montagne après avoir tué plus de 120 de ses soldats ; la Turquie a affirmé en avoir perdu 24. L’écart est encore plus grand sur les pertes de la guérilla : Erdal et plusieurs autres ont insisté sur le fait que seulement 10 de leurs propres combattants ont été tués, tandis que la Turquieles chiffre à plus de 230.

L’un des corps arrimés sur un brancard le jour de l’enterrement, est celui de à Eruh Ayhan. Lors des préparatifs de l’enterrement, les noms des défunts ont été écrits sur des bouts de papier blanc attaché à la poitrine. C’est une scène que Roshat Sarhat, un guérilléro de 30 ans qui était avant journaliste à Istanbul, ne souhaite pas voir. Il est resté dans une cabane abandonnée en pierre situé sur une colline, loin de la préparation. Dans la pièce nue ne résonnent que le grésillement de la radio et le bourdonnement d’un drone de surveillance loin dans le ciel.

« Il était mon meilleur ami », dit Sarhat. Eruh était mort le premier jour de la bataille.

Tout au long des combats, les centaines de guérilleros ont utilisé les mêmes tactiques de combat éprouvées qu’ils ont pratiquées pendant des années : se déplacer rapidement, frapper et se replier, harceler et tromper un ennemi plus puissant. Ils portent des AK-47, des fusils à lunettes, des lances roquettes et des grenades à main.

"Certaines de nos attaques n’ont requis que cinq guérilleros, et d’autres 50 ou 60", a dit Erdal. "Par exemple, vous envoyer cinq guérilleros contre une force beaucoup plus grande en pleine nuit, ils attaquent et quitter la zone, et alors ces soldats ne peuvent plus dormir jusqu’au matin. Dans une situation différente, vous utilisez 50 ou 60 guérilleros pour tenir une montagne."

Après que le Président Bush ait rencontré le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan en novembre pour examiner le problème du PKK, la guérilla s’est empressée de prendre des dispositions pour la bataille. Ils ont caché des munitions, des armes, des vivres et de l’eau dans les grottes et falaises à travers les montagnes, pour un réapprovisionnement rapide. A l’intérieur de l’une de ces cavernes, ils ont installé un métal poêle à bois cylindrique en métal et une cheminée pour chauffer une pièce construite de tissu vert militaire et de bâches en plastique.

"La montagne est une école pour nous", a déclaré Elif, 32 ans, une commandante qui a abandonné l’école de design pour intérieur en Turquie il y a 10 ans pour rejoindre le PKK. "La montagne nous apprend à marcher, elle nous enseigne comment vivre dans le froid, comment aller sans manger pendant longtemps », dit-elle. "Les soldats turcs sont grands, mais ils ne peuvent pas rester dans la neige plus que quelques heures."

Dans les montagnes ils communiquent à l’aide de téléphones cellulaires en envoyant des messages texte ou en parlant en code en tenant à la main des radios Yaesu dont les fréquences changent perpétuellement. Si ils occupent une maison abandonnée, ils ont une couverture pour cacher la lumière des fenêtres et construisent des feux la nuit pour masquer la fumée. "Nous n’avons pas peur," dit Sarhat. "Mais nous sommes toujours prudents."

Sarhat, un homme à l’air grave et sérieux, a rejoint le PKK il y a dix ans, après avoir travaillé en tant que reporter à la télévision en Turquie. Il est né de parents kurdes dans la ville de Van, mais il n’a pas appris sa langue ancestrale, car l’enseignement dans les écoles était interdit. En grandissant il a apprit l’histoire kurde, et il s’est senti de plus en plus en colère que sa culture soit réprimée.

"Partout où les Kurdes vivent en Turquie, vous ne pouvez pas agir comme un Kurde. Vous ne pouvez pas avoir votre propre identité, vous ne pouvez pas avoir votre propre histoire ou culture », déclare-t-il. "Je me suis rendu compte qu’ils ont pris les droits de ma nation, notre éducation, notre identité. Puis, j’ai décidé de rejoindre le PKK."

En temps de guerre, les guérilléros s’occupent à différentes tâches. Il y a des médecins qui utilisent les trousses de premiers secours de l’UNICEF, des cuisiniers et des vidéastes, des combattants de première ligne et des logisticiens. Pourtant, ils se ressemblent jusque dans les moindres détails. Ils fument une marque de cigarette, Business Royales, et presque tous portent des espadrilles turques Mekap de couleur pêche et aux lacets oranges.

Les guérilléros ne sont pas une armée populaire ou une rébellion improvisée insurrectionnelle, mais une force paramilitaire entrainée qui exige que chaque nouvelle recrue passe trois mois dans un camp pour étudier la tactique militaire et la doctrine dans l’idéologie du dirigeant emprisonné, Abdullah Ocalan. La guerre séparatiste du PKK contre les autorités turques, qui a commencé en 1984 et a duré une décennie et demie, a coûté la vie à environ 35000 personnes, essentiellement des Kurdes dans le sud-est de la Turquie.

Dans l’enclave du PKK dans le nord de l’Irak, le visage joufflu et moustachu d’Ocalan figure à flanc de colline, sur les drapeaux et les petites épingles que les combattants portent au revers de leurs vestes. Ils manifestent ainsi leur révérence envers Ocalan, capturé en 1999 à Nairobi et à présent détenu dans une prison turque. Après des tentatives d’assassinat contre Ocalan dans les années 1990, des guérilléros se sont immolés et certains sont devenus des kamikazes. Pour les gouvernements de la Turquie, de l’Irak et des États-Unis, ces tactiques ont ancré la réputation du PKK d’être une organisation terroriste.

« Nous ne souhaitons à aucune mère au monde de recevoir le corps de son fils mort", a déclaré Afreen Hadar, guérilléro de 26 ans qui a grandi près d’Alep, en Syrie. "Nous ne voulons pas nous battre, nous voulons être pacifiques. Mais s’ils nous attaquent, nous nous défendrons."

Le PKK recrute un grand nombre de ses combattants lorsqu’ils sont adolescents ou étudiants au collège et il a été critiqué pour dévoyer efficacement les jeunes et les piéger dans la guérilla. Mais sur plus d’une douzaine de personnes interrogées la semaine dernière, tous sont venus à la guérilla volontairement. Certains ont dit qu’ils se sont joints parce que leurs villages avaient été attaqués ou que des parents avaient été assassinés par les soldats turcs.

Afreen est venue à la montagne à l’âge de 18 ans après qu’il lui ait été conseillé par ses enseignants arabes de rejoindre le parti Baath au pouvoir si elle voulait poursuivre ses études et que sinon elle serait expulsée. Elle connaissait bien les livres d’Ocalan et le considérait comme un héros. Elle a laissé une note pour dire à ses parents qu’elle rejoignait le PKK, est sortie de la maison et ne les a pas revus depuis.

« Ce que je fais ici, est plus important que mes parents », dit-elle.

Après le discours d’Erdal lors des funérailles, les guérilléros ont emmené les corps de leurs camarades en procession solennelle jusqu’à la montagne, à travers les prairies de graminées sauvages et deux passerelles jetées sur des torrents, jusqu’à ce qu’ils atteignent leur cimetière à paroi de pierre entourée de cratères de bombes turques. Avec pelles et pioches, ils ont creusé cinq espaces dans les rangées de tombes. Ils ont poussé les bouts de papier portant les noms à l’intérieur de bouteilles en plastique clair et les ont placées dans les tombes. Ensuite, ils ont couvert leurs morts avec de la terre et des dalles de pierre blanche et, sans cérémonie, se sont dispersés dans la montagne.

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