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Des requérants au garage, malaise genevois

mardi 21 août 2012, par Maison Populaire de Genève

Le sous-sol d’un immeuble de Lancy accueille des demandeurs d’asile depuis cinq mois : le voisinage apprécie peu

Entre les requérants d’asile du 6 bis et les habitants du 8 et du 10, route de Chancy, on se croise, mais on s’ignore. Ou on s’évite. Après Châtelaine et Carouge, Lancy est la troisième commune genevoise à ouvrir un abri antiatomique à des requérants d’asile et à des déboutés d’office destinés à quitter le pays. L’immeuble, un bloc rosé de huit étages aux balcons de métal rouge, fait figure de lieu test pour la cohabitation entre réfugiés et habitants des zones urbaines. Une forme de cohabitation appelée à se développer, alors que le nombre de requérants d’asile qui arrivent en Suisse augmente rapidement.


Demir Sönmez, devant l’entrée de l’abri PC du 6bis, route de Chancy. Ancien réfugié, cet habitant est « scandalisé » par les conditions de vie des requérants. (Veroniquebotteron.com)

« Nous avons fermé l’abri de Carouge, précise Bertrand Levrat, directeur de l’Hospice général, qui se charge du logement des réfugiés dans le canton de Genève. Pour le même coût, celui de Lancy peut accueillir 50 personnes supplémentaires. » Pourtant, loger ces hommes dans des abris PC reste une « solution de dernier recours ».

« On essaie de retarder au maximum le recours à l’abri. Mais au final, avec un flux tendu de 130 personnes arrivant chaque mois à Genève, l’ouverture d’un abri se fait assez vite », explique Bertrand Levrat.

Les riverains ont été informés de l’arrivée des réfugiés une semaine avant, par un communiqué scotché sur la porte de l’ascenseur. « On s’est senti devant le fait accompli », s’indigne Monique, une habitante qui ne souhaite pas que son nom soit publié. Les autorités ont bien organisé une séance d’information pour répondre aux craintes du voisinage et à certaines de ses requêtes, comme la présence d’agents de sécurité 24h sur 24. Deux Protectas, employés par l’Hospice général, contrôlent l’entrée de l’abri. Un troisième agent surveille l’extérieur et les environs.

Mais selon Roger Golay, président du Mouvement Citoyens genevois (MCG) et président du Conseil municipal de la commune, « la population voisine n’est pas du tout satisfaite de cette cohabitation. Les gens qui rentrent dans le parking ne se sentent pas en sécurité, surtout les femmes. » Cyril ­Mizrahi, conseiller municipal PS, considère que « sur le court terme, la solution était celle-ci, même si elle n’est pas idéale. Il n’y a tout simplement pas d’abri PC en dehors des zones urbaines », conclut-il.

Autour de l’imposante entrée du parking souterrain, deux populations cohabitent malaisément. A gauche, le garage des locataires de l’immeuble, fermé par une porte métallique. A droite, un long couloir avec, au bout, une porte en béton armé et l’abri logeant 81 hommes d’Afrique de l’Ouest, âgés de 18 à 42 ans, tous célibataires.

Les requérants peuvent circuler librement en dehors de l’abri à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit. « Si l’on avait imposé des horaires, tous sortiraient au même moment. On veut éviter les attroupements, pour que la cohabitation avec le voisinage se passe le mieux possible », détaille le directeur de l’Hospice général.

L’unique contact des habitants avec les requérants, ce sont des bonjours, des regards, qui parfois gênent certaines femmes. Ce sont aussi des tentatives – souvent mal vues – d’entrer en contact : « L’un d’eux a demandé à ma fille son nom. Elle l’a ignoré bien sûr », confie un père de famille très préoccupé par la situation.

Pour une autre habitante, les bonjours, auxquels elle ne répond pas, sont une « provocation ». Ceux qui y voient un « signe de politesse et de sympathie » sont une minorité. La plupart des riverains vivent avec un sentiment d’insécurité. « Je suis seule avec ma fille de 19 ans, qui rentre parfois tard le soir. Ils sont toujours dehors », raconte une habitante installée depuis vingt ans dans l’immeuble.

« Ça sent le joint quand on rentre dans le garage, affirme Santi, un autre habitant. Et, depuis quelques semaines, certains se sont mis à boire énormément et sont très souvent saouls. » Bertrand Levrat, conscient des « problèmes de fumette », assure que la police surveille régulièrement les lieux. L’abri est aussi fouillé chaque semaine par les Protectas. Pour les questions d’alcool, en revanche, il n’est pas au courant. « Il y a certains individus qui posent problème, mais ce sont des exceptions », répond-il.

Santi s’est également demandé pourquoi certains requérants sortaient des billets de 100 francs de leurs poches, « alors qu’ils n’ont que 10 francs par jour ! C’est mathématiquement impossible. » En réalité, « il y a deux types de personnes, expose Raphaëlle Carron, directrice adjointe de l’aide aux requérants d’asile à l’Hospice général. Les requérants d’asile dits « cas Dublin » reçoivent des repas et 300 francs chaque début de mois. Les NEMS [terme qui désigne les déboutés d’office ou « non-entrée en matière »], formant la plus grande majorité, ne disposent que d’une assistance en nature, relevant de l’aide d’urgence, c’est-à-dire des repas, des kits d’hygiène et des bons pour des vêtements. »

Parmi la minorité de personnes qui ne voient aucun inconvénient à cette cohabitation, certains s’indignent du traitement réservé aux requérants. « Sans lumière naturelle, en sous-sol, entassés dans cet abri… Je suis scandalisé des conditions dans lesquelles ces hommes vivent », déclare Demir Sönmez.

Pour cet ancien réfugié politique, l’opinion publique a radicalement changé depuis une vingtaine d’années – la tolérance envers les réfugiés a drastiquement diminué. « C’est juste parce qu’ils sont Noirs », résume une locataire pour expliquer le mépris des habitants. Pour l’instant, aucun débordement grave n’a été déclaré et aucune plainte n’a été déposée.

Devant l’entrée du parking, deux hommes assis sur les marches menant aux immeubles pianotent sur leur téléphone portable. Un seul parle français : Ibrahim. Il est arrivé il y a deux mois du Mali. Pour le jeune homme, la cohabitation avec les habitants reste mauvaise : « Ils n’apprécient pas notre présence, mais on n’a pas le choix. Certains ont appelé la police pour qu’on rentre à l’intérieur parce qu’on était trop souvent dehors », raconte-t-il.

Même si l’abri « Annevelle » est présenté comme une solution transitoire, aucune date de fermeture n’a été prévue. Tout dépendra de la capacité de l’Hospice général d’ouvrir de nouveaux centres. Fin septembre, l’abri en surface de la Praille augmentera sa capacité de 70 places supplémentaires.

GENÈVE Mardi14 août 2012 Marie-Adèle Copin

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/e6d3a14c-e561-11e1-a0d8-e03a90236c6a/Des_requérants_au_garage_malaise_genevois

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